Et si on rapportait nos bouteilles à la consigne ? 


Des bouteilles de verre éparpillées (James Cridland/Flickr/CC).

En France, jusqu’au début des années 80, les bouteilles de verre étaient consignées. Mais on parle là d’un temps que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître... Aujourd’hui, nous jetons les récipients en verre dans des containers prévus à cet usage. Pourquoi recycler des bouteilles qui lavées peuvent-être réutilisées de nombreuses fois ?

L’idée

La consigne est une petite somme d’argent de l’ordre de 10 à 30 centimes que l’on paye lors de l’achat d’un bien. Cette somme est restituée lorsque l’on rapporte le contenant vide : bouteilles, fûts de bière...
A partir des années 70, l’arrivée dans les rayons des bouteilles en plastique à usage unique, symbole de modernité, a sonné le glas de la consigne. Non sans susciter des interrogations, comme le montre cette archive de l’Ina qui date de 1972, « Vie moderne : les ordures ». (Voir la vidéo)

 
 
Aujourd’hui la consigne est toujours en vigueur chez nos voisins allemands et belges. En France, ce n’est plus le cas (sauf dans quelques régions), comme l’explique Sylvain Pasquier, animateur du secteur emballages au service filières REP et recyclage de l’Ademe :
« Alors que dans la restauration plus d’un tiers des bouteilles de boissons en verre sont consignées, chez les particuliers elle n’est pratiquée que dans quelques régions, pour des boissons de fabrication locale. »
En Alsace, par exemple : « Sur les 100 000 hectolitres que je mets en bouteille sous ma marque, 40 000 sont consignés », revendique avec fierté Michel Haag, patron de la brasserie indépendante Météor et président du syndicat des Brasseurs d’Alsace. Les bouteilles de Kronenbourg et Ancre ainsi que celles de deux producteurs d’eaux minérales locales sont toujours récupérées dans la plupart des grandes surfaces de la région.

Comment la mettre en pratique ?

D’abord, il faut que le consommateur ait le bon réflexe : penser à ramener les bouteilles vides lorsqu’il fait ses courses. Ensuite, ce sont les caissières ou un dépôt de consigne automatisé qui se chargent de consigner les bouteilles.
 
En Alsace, les brasseurs utilisent tous le même modèle de bouteille. Elles sont collectées et stockées par les commerçants qui n’ont donc pas à faire le tri. Les brasseurs récupèrent les bouteilles par casier à chaque tournée de livraison, les lavent à leurs frais... et les remplissent à nouveau. La durée de vie moyenne d’une bouteille consignée est de vingt utilisations.
Dans le Var, une poignée de vignerons ont redécouvert la consigne en mars 2011. Gérard Dauvergne, producteur converti au vin bio, se réjouit :
« Je consigne 10% de ma production. Environ les deux tiers des bouteilles vendues au domaine nous reviennent. Franchement, je ne m’attendais pas à une telle réponse de la part de mes clients. »
Soutenus par l’association Ecoscience Provence et le Syndicat intercommunal pour la valorisation et l’élimination des déchets (Sived), les viticulteurs ont choisi de sous-traiter le lavage à une usine de Montpellier. Au prix de 15 centimes par pièce lavée et livrée, cela revient à la moitié du prix d’une bouteille neuve. Bien que l’usine se situe à 200 km des domaines viticoles, la consigne reste compétitive en termes de bénéfices environnementaux. À moins de 1 400 km de distance entre le producteur et le point de vente, la réutilisation est toujours plus vertueuse que le recyclage.

Ce qu’il reste à faire

« Pour l’instant, nous n’avons que trois domaines viticoles qui participent à l’opération et la consigne des bouteilles de vin se fait encore directement au domaine. Mais de plus en plus de vignerons, y compris ceux des départements voisins, s’intéressent à notre démarche », affirme confiant Yves Ekila coordinateur de l’opération chez Ecoscience.
À l’échelle du pays, la route est encore longue. Michel Haag a un avis tranché : « La consigne ne peut marcher qu’en Alsace. Ailleurs les clients n’ont plus l’habitude ! “. La consigne implique une logistique, des investissements, du temps de travail et des coûts pour les producteurs. Ainsi, les dépôts de consigne automatisés sont vendus 30 000 euros pièce.
‘Les producteurs préfèrent que leurs bouteilles soient traitées par les collectivités locales, à travers les systèmes existants de collecte sélective’, explique Bertrand Bohain, délégué général du Cercle national du recyclage. En s’acquittant de leur contribution à Eco-emballage, en charge de la filière de recyclage des emballages ménagers, les producteurs ont tendance à penser que la question est réglée...
Mais les mentalités commencent à remonter le temps. Le Var et l’Alsace en remettant au goût du jour une pratique révolue font figures de précurseurs : ‘Je considère que face à tant d’exemples de greenwashing, la consigne est une démarche sincèrement écologique’, conclut Michel Haag. Et la sincérité, finit toujours par payer.
 

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