L’évacuation d’urgence

 
 

Lors d'une situation d'urgence d'envergure, il y a toujours évacuation.

Dans tous les cas les "élites" près du pouvoir disparaissent en premier, de manière organisée et dans un luxe relatif, à moins bien sûr d'une urgence soudaine et imprévue.

Puis viennent les "intermédiaires" qui quittent plus ou moins en catastrophe, suivis du populo, les gens qui n'ont ni information privilégiée, ni moyens particuliers.

Ceux qui ont regardé des documentaires sur les guerres, sur Katrina, sur d'autres évènements dramatiques d'envergure, ont remarqué les flots de réfugiés qui errent sur les routes.

Parlons des réalités, maintenant.

Une évacuation n'est pas une rigolade, qu'elle soit faite en véhicule particulier, à pied, dans des camions ou des autobus affrétés par les autorités.

Je vais parler des réalités de l'évacuation en véhicule particulier et à pied. Les évacuations de masse organisées et encadrées par les autorités ne seront pas abordées puisque dans ces cas les populations n'ont à peu près aucun contrôle sur le déroulement des choses.

Le véhicule particulier

 

 

Prenez pour acquis les éléments suivants:

L'évacuation sera longue
  • Vous ne trouverez pas de nourriture ou de boissons le long de la route
  • Vous ne trouvez pas de carburant le long de la route
  • Vous n'irez pas plus loin que le tiers, peut-être la moitié de l'autonomie normale de votre véhicule avec la quantité de carburant qui se trouve dans votre réservoir.
  • Vous risquez des agressions ou à tout le moins énormément de sollicitations sur votre parcours.
Quelques explications:

Les routes sont conçues pour un flot normal de véhicule. Oui il y a souvent des embouteillages aux heures de pointe et nous y sommes tous habitués. En cas d'évacuation ce ne sont pas seulement des banlieusards qui retournent chez eux qui seront sur les routes, ce seront les habitants des villes qui voudront quitter, tous en même temps.

Les embouteillages frapperont non seulement les voies de transit et de sortie des villes mais aussi les petites rues. Un embouteillage lourd de fin de journée, qui provoque un transit de 2 à 3 heures, risque d'être une broutille face à une évacuation d'une grande ville comme Montréal.

 



Les stations-service seront vite prises d'assaut. Je me souviens d'un soir il y a quelques années où la rumeur voulait que l'essence allait augmenter de 15 cents le lendemain.

Il fallait au moins 20 à 25 minutes pour pouvoir faire le plein. Payable d'avance. En argent comptant.

Beaucoup de pompes étaient fermées parce que le réservoir qui les desservait avait été vidé.

Tout cela pour 15 cents le litre! Qu'imaginer quand on perçoit un danger pour sa vie? et si en plus l'électricité manque, l'essence ne peut tout simplement plus être pompée.

Voilà pourquoi les survivalistes doivent toujours maintenir plein le réservoir de leur véhicule et ne jamais le laisser baisser sous la moitié.

En Amérique du Nord, une voiture peut normalement rouler 600 km sur l'autoroute à 100 km/h avec un réservoir plein. C'est votre autonomie normale.

Si vous roulez à 20 km/h au lieu de 100, vous n'aurez pas une plus grande autonomie, bien au contraire. C'est que la consommation des véhicules est optimisée pour rouler autour de 100 km/h.


Évacuation pré-Katrina, Nouvelle Orléans

Pris dans un embouteillage monstre, vous avancez, arrêterez, redémarrez des centaines de fois. Si vous mettez la clim, c'est 20% de consommation supplémentaire. Il n'est pas exagéré de dire qu'avec un réservoir plein et une voiture chargée à bloc de matériel et de nourriture, vous pourriez fort bien ne faire que 200 km si vous rencontrez des embouteillages monstres.

Pendant le Verglas, dès les premières rumeurs d'une panne des usines de filtration d'eau, je me suis rendu chez mon épicier à 200 m. de chez moi. Il ne restait déjà plus d'eau en bouteille et très peu de boissons gazeuses ou de jus. Comme le paiement par débit ne fonctionnait pas, faute d'électricité, il fallait payer comptant.

Pendant une évacuation, ce sera pareil. Ne pensez donc pas faire le plein d'eau ou même d'aliments, les premiers évacués seront passés par là.

Il se trouvera aussi beaucoup de gens sur le bord des routes: des autostoppeurs, des automobilistes en panne, les premiers zombies. Maintenant imaginez, vous et 500,000 autres personnes êtes en évacuation, il y a danger réel et c'est l'embouteillage sur la route: ça avance de 50 m. à la minute. Arrive un groupe de 5-6 personnes qui décident d'ouvrir les portes de la voiture en avant de vous, en sortent les gens, les battent et les pillent.

Combien de gens autour décideront de sortir pour prêter main-forte aux victimes? Il y a fort à parier qu'aucun ne bougera.

Ce sont ça, les réalités de l'évacuation.

Si vous évacuez, prévoyez d'avoir en tout temps au moins le triple de l'essence requise. Si votre bug out location est situé à la limite de l'autonomie de votre véhicule, vous avez un réel problème auquel il faut pallier avant de continuer vos plans d'évacuation.

À pied


Réfugiés espagnols dans les années 1930

Évacuer à pied représente probablement l'option la plus sécuritaire. La lenteur du déplacement permet de bien examiner son environnement, de détecter les mouvements suspects ou les gens dissimulés et de voir venir les dangers de plus loin.

Il n'y a pas plus mobile qu'une personne qui se déplace à pied: pentes, collines, ruisseaux, terrain mou ou sablonneux, presque tout est franchissable, en tout cas beaucoup plus qu'en véhicule.

L'ennui toutefois c'est la capacité limitée d'emport. Les personnes bien entraînées peuvent traîner 25 kg sur leur dos sans problème pendant des journées entières. Mon paquetage de soldat pesait autour de 23 kg, mon arme presque 5 kg, mes munitions, mon eau et ma nourriture de la journée (dans les poches du treillis), environ 4 kg.

 J'avais 22 ans, j'étais en grande forme et dans la force de l'âge.

 J'en ai maintenant 46, j'ai une fillette de trois ans, un autre enfant "au four" qui doit arriver en septembre, je ne suis pas en forme, Mme Joséphine l'est un peu plus que moi mais elle n'est pas une athlète. Devoir porter 30 kg sur mes épaules en marchant toute la journée, j'y arriverais, péniblement, mais j'y arriverais au prix de ma rapidité, de ma vigilance et de ma rapidité de réaction.



Si je devais évacuer à pied, je tirerais plutôt une petite charrette à grandes roues qui peut recevoir des skis au besoin. On peut y mettre facilement 50 kg plus des enfants en bas âge. Nous nous garderions quand même 5-6 kg de matériel sur les épaules comme équipement et nourriture de dernier recours au cas où nous devrions abandonner notre charrette.

 Peu importe le moyen d'évacuation, il faut toujours être prêt et capable de poursuivre la route à pied. C'est le "bottom line" comme disent les chinois.

 Quant à ce que les trousses d'évacuation devraient contenir, je vous réfère immédiatement à Vol West et à son blogue Le Survivaliste, qui a exposé à fond sur le sujet et qui a pratiquement vidé la question.

 
Les ennemis des évacuants

 
L'inadaptation. Je n'invente rien: ça date de Darwin cette question-là. Contrairement à ce que veut l'opinion populaire, ce n'est pas le plus fort qui survit, c'est le mieux adapté.

 

On parle d'adaptation au climat, au terrain, au contexte, aux circonstances. Il est important de réaliser que nous avons chacun nos propres rigidités et que celles-ci peuvent nous coûter la vie.

 


Il faut prendre conscience qu'une évacuation se déroule, par définition, dans un environnement hostile, à moins d'être parmi les précurseurs et d'évacuer avant les autres.

Hostile: parce que la majorité des gens ne seront pas préparés, n'auront pas d'eau ou de nourriture, pas de moyen de transport, seront paniqués à l'idée de quitter leur Plateau ou leur Westmount, tomberont en panne d'essence ou en panne mécanique.

Des parents s'inquiéteront pour leurs enfants et seront prêts à la violence pour les nourrir ou les hydrater.



Des gangs de rue profiteront de la situation, peut-être même les membres de la police. Bbien d'autres choses difficiles à concevoir se manifesteront: abandon de parents âgés, d'animaux domestiques, même d'enfants.

Inimaginable mais ça s'est vu ailleurs et nous ne sommes ni meilleurs ni pires qu'ailleurs. Ces réalités sont bien réelles dans des zones dévastées par la guerre ou par les catastrophes naturelles ou économiques.

Il faut développer une seule attitude: tout peut survenir, absolument tout, tant de la part des autres que de notre part.
 
L'insuffisance ou l'improvisation de la préparation. L'idéal est un équipement dédié, empaqueté et prêt à embarquer. La réalité est souvent différente de l'idéal.

Il est important de se dresser une liste de choses à emporter, d'empaqueter ces objets et de tester la formule. Une fois cela fait, quand on remet les objets à leur place, on note, sur la liste, où ils sont rangés normalement. C'est con mais si on n'y pense pas, la liste ne le pensera pas à notre place.

Rien n'est pire que le stress quand vient le temps de se souvenir où sont les choses essentielles.

Les bons sentiments. C'est cruel certes mais il n'y a pas de place pour les bons sentiments en évacuation. Les gens que vous aiderez en chemin deviendront en pratique vos dépendants: vous aidez une fois, vous devenez responsables d'eux.

L'ostentation. Si vous vous retrouvez en groupe et que vous devez manger, si vous devez être vus, montrez votre dénuement, pas ce que vous avez. Ce n'est non plus pas le temps de spéculer et de faire du troc, qui serait interprété comme des surplus.

Autres éléments

Numéraires et valeurs. C'est une des premières choses volées, c'est souvent la seule chose de volée sur la route, à moins bien sûr que la situation se soit tellement dégradée que le chaos règne partout.
 


Leurre: assez d'argent pour que ce soit crédible,
pas assez pour que la perte soit douloureuse

L'argent et les métaux précieux doivent être placés en deux paquets, un paquet pour leurrer et un paquet dissimulé pour conserver.

Le paquet "leurre" comprendra une petite somme d'argent, disons deux ou trois billets de vingt dollars, un ou deux de cinq et de dix, des pièces de monnaie et des bijoux factices qui ressemblent à de l'or et des pierres précieuses.

Avec cet assemblage votre leurre sera crédible et vos pilleurs seront satisfait du "peu" que vous perdez.

 

Pas de sac à main pour les femmes. Les voleurs prendront le sac au complet, pas seulement l'argent et les valeurs.

 

Armes. Si elles peuvent être dissimulées, cachez-les sans les rendre inaccessibles. Une famille, ou plusieurs familles en marche et désarmées suscitent moins de tirs que des gens armés qui doivent être embusqués. Puisque les zombies n'auront pas besoin d'engager de loin, les chances de ne pas se faire tirer dessus sont plus élevées.

 

Se déplacer de jour ou de nuit? Ça dépend. En véhicule il est préférable de rouler de jour et de s'arrêter la nuit si les environs sont incertains. Les phares d'un véhicule se voient de loin. Si vous roulez phares éteints (possible, je l'ai fait dans de petits rangs reculés dans mes années de folies), le bruit de votre moteur et de vos pneus vous trahira.

À la marche par contre, hors des zones urbaines il vaut mieux circuler de nuit et se mettre à l'abri le jour. Toutefois: attention à ne pas vous approcher d'habitations la nuit, tout le monde sera sur les dents.

 

Quels chemins prendre? Toujours les plus sécuritaires. La sécurité d'un chemin peut varier d'une heure à l'autre et il est impossible de le prévoir d'avance. Les barrages policiers ou militaires sont aussi à redouter. Les autorités ne pilleront peut-être pas mais elles peuvent confisquer les armes et les munitions, par exemple.

 

 

Évacuation tardive

 


Certains prônent une évacuation longtemps après les évènements. Je ne suis personnellement pas contre l'idée puisque les routes seront moins encombrées et, c'est malheureux à dire, les gens les moins préparés seront soit décédés, soit dans des camps. Les zombies ne feront probablement plus de barrages mais la chose n'est pas exclue.
 
C'est risqué, très risqué et il vous faut des réserves de tout car il se peut fort bien que vous deviez attendre un à deux mois avant de vous risquer. Il n'y a que les clans urbains qui peuvent se permettre cela avec des risques raisonnablement bas. Mais ça demeure risqué, qu'on se le dise.

Il faut voyager armés et en convois, avec éclaireurs si possible. Les armes, elles ne sont plus dissimulées, elles sont en main et chargées. À pied, on se déplacera toujours de nuit et avec des éclaireurs.

Il est probable que des zombies tiendront des check points afin de ponctionner une partie de vos ressources. Les check points sont généralement tenus par un petit nombre de gens. Un groupe nombreux les dissuadera et les fera fuir. Peut-être! Ou peut-être fuiront-ils pour revenir avec des renforts? De là l'utilité des éclaireurs.

Il faut comprendre que dans un tel contexte ce n'est plus la furtivité qui est recherchée, c'est la force, la rapidité et la supériorité servant de dissuasion.

Paranoïaque? Oui et j'assume

 Il faut réaliser qu'une évacuation c'est une perte de repères, quand bien même vous évacuez par le même chemin que celui que vous prenez pour aller visiter la famille chaque dimanche.

 C'est une perte de repères au sens où la situation est différente et nouvelle même si le décor reste le même. En temps de normalité on ne s'attends pas à se faire attaquer par des bandits de grands chemins. Quand celle-ci est brisée, peut-on se permettre le luxe de prendre pour acquis que la route sera aussi sécuritaire qu'avant? Que les gens en panne sur l'accotement de l'autoroute sont seulement et véritablement en panne?

 La civilisation est civilisée parce qu'elle en a les moyens. Que ces moyens se raréfient ou disparaissent et on voit réapparaître rapidement l'animal que nous sommes.

Moralité: mieux vaut évacuer rapidement et avant le gros de l'évacuation.

 Lien internet : http://preparationquebec.blogspot.ca

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