Ydrastis canadensis L. (Hydraste du Canada)


Ydrastis canadensis L. (Hydraste du Canada)



Hydraste du Canada, hydraste, sceau d'or. Les mots Hydrastis et « hydraste » font référence à une ressemblance superficielle avec certaines espèces du genre Hydrophyllum.
Noms anglais

Goldenseal, golden-seal, golden seal, yellow-root, orange-root, yellow puccoon, jaundiceroot, yelloweye, yellow paint, Indian turmeric, Indian dye, Indian plant, wild turmeric, tumeric root, ground raspberry, eye-root, eye-balm, warnera, Ohio curcuma, wild curcuma.

Le nom « golden seal » fait sûrement référence à la couleur jaune ou dorée du rhizome et aux dépressions en forme de coupes laissées par les tiges florifères des années antérieures, après leur chute. 

Ces cicatrices ressemblent en effet aux sceaux de cire autrefois utilisés pour cacheter les lettres.
Morphologie

L'hydraste du Canada lève tôt au printemps, à partir de bourgeons hivernants situés sur le rhizome. 

Il y a généralement deux bourgeons hivernants à la base de chaque tige. L'hydraste est une plante herbacée vivace, à poils rudes. 

Chaque tige atteint une hauteur de 20 à 50 cm et produit 1 à 3 feuilles palmatilobées pouvant atteindre 25 cm de diamètre. Les lobes, au nombre de 5 ou 7, sont doublement dentés en scie. 

L'unique fleur de chaque tige s'ouvre en avril ou mai.

Elle est peu voyante, de couleur blanc verdâtre, et possède un grand nombre d'étamines et de carpelles, ce qui est caractéristique de la famille des renonculacées. 

Le filet blanc des étamines est la partie la plus voyante de la fleur : les pétales et les sépales sont petits et tombent peu de temps après l'ouverture de la fleur. 

Les feuilles sont au contraire très apparentes. Elles sont palmées mais ressemblent aux feuilles pennées de l'hydrophylle du Canada (Hydrophyllum canadense L.).

Le fruit, ressemblant à une framboise mais jugé non comestible, a une allure particulière : il est formé d'un groupe serré de petites baies écarlates soudées à la base, qui mûrissent en juillet et août. 

En général, la tige et les feuilles meurent peu de temps après la maturité du fruit, qui renferme 10 à 30 graines de 2 à 5 mm de longueur, luisantes, brun foncé ou noires, avec une petite carène. 

La viabilité des graines est plutôt imprévisible, et il faut les garder humides pour qu'elles ne meurent pas.

Le semis se développe très lentement. 

La première année, la plupart des semis ne produisent que leur paire de cotylédons. La première feuille véritable n'apparaît que la deuxième année. 

La troisième année, la plante produit deux feuilles ainsi qu'une première fleur.

Le rhizome, horizontal ou oblique, noueux et à peu près cylindrique, mesure 4 à 7 cm de longueur et 0,5 à 2 cm d'épaisseur. 

Son odeur est forte. À l'état frais, il est brun jaune à l'extérieur, jaune vif à l'intérieur, et renferme un jus également jaune vif. Le rhizome, parfois appelé à tort « racine », produit un grand nombre de petites racines fasciculées. 

Il est souvent confondu avec le rhizome jaune d'autres végétaux, comme la savoyane (Coptis trifolia (L.) Salisb.), la xanthorhize (Xanthorhiza simplicissima Marsh.) et le stylophore à deux feuilles (Stylophorum diphyllum (Michx.) Nutt.).

Classification et répartition

Le genre Hydrastis est généralement rangé dans la famille du bouton d'or (renonculacées). Cependant comme il présente des caractères très particuliers, il est parfois érigé en une famille distincte, les hydrastidacées.

L'Hydrastis canadensis est la seule espèce du genre. La plante du nord-est de l'Asie appelée « Hydrastis jezoensis Sieb. ex Miquel »appartient sans doute à un autre genre. 

L'h. canadensis pousse à l'état indigène depuis le sud de la Nouvelle-Angleterre, le sud de l'Ontario et le sud du Wisconsin jusqu'à l'Arkansas et le nord de la Géorgie. Aux États-Unis, l'espèce a été relevée dans 27 États.

L'hydraste fait partie du cortège d'espèces ayant pour origine la grande forêt décidue qui ceinturait complètement l'hémisphère nord durant le Tertiaire, il y a 15 à 20 millions d'années. 

L'espèce la plus étroitement apparentée est d'ailleurs une plante du Japon, leGlaucidium palmatum Sieb. 

Autrefois, l'hydraste du Canada était abondant dans la partie centrale de son aire totale (zone foncée de la carte de répartition ci-dessous), c'est-à-dire en Indiana, au Kentucky, en Ohio et en Virginie-Occidentale.

Cependant, la cueillette de la plante à des fins médicinales, vers la fin des années 1800 et par la suite, a eu pour effet de décimer les populations naturelles. 

La destruction des habitats a également contribué au déclin de l'espèce. Au Canada, l'hydraste du Canada n'est présent que dans le sud de l'Ontario et est reconnu officiellement comme « espèce menacée », cotée « 
1 » (priorité la plus élevée) aux fins de protection.

Carte de répartition


Description - Figure 1
Écologie

L'hydraste pousse en colonies à l'intérieur et en périphérie des forêts décidues mésiques, ombreuses et riches de l'est de l'Amérique du Nord. 

La multiplication naturelle de la plante est assurée à la fois par la production de graines et par la fragmentation du rhizome. 

L'espèce préfère les sols loameux, riches, humides et bien drainés. 

Dans la nature, l'humidité est habituellement maintenue par un paillis naturel de feuilles mortes et de litière forestière, tandis que le drainage est assuré par la pente des flancs de colline où pousse l'hydraste. 

Le taux idéal d'ombre se situe entre 75 et 80 %.

La diminution des populations sauvages est due à l'expansion des terres agricoles, à la coupe forestière, à la construction routière et surtout à la cueillette commerciale de la plante. 

L'hydraste du Canada figure à l'Annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces sauvages menacées d'extinction (CITES), qui joue un rôle important dans la lutte contre le trafic international des plantes et animaux en danger de disparition.

Usages médicinaux

C'est le rhizome qui est habituellement la source des préparations médicinales, bien qu'on cueille parfois les feuilles pour divers usages médicinaux. 

C'est pendant l'automne que la concentration d'alcaloïdes dans le rhizome atteint son maximum.

Les populations autochtones de l'est de l'Amérique du Nord utilisaient l'hydraste du Canada pour traiter divers types d'affections, en particulier celles qui nécessitaient une action antimicrobienne. 

Les affections traitées englobaient les maladies de peau, les ulcères, la gonorrhée, les affections des yeux et les cancers. 

Il semble cependant que l'hydraste n'ait pas été une plante médicinale d'importance jusqu'au milieu du 18e siècle, quand on a mis au point des techniques pour raffiner l'hydrastine et la berbérine, deux alcaloïdes de la plante. 

Il était possible d'exploiter les propriétés des alcaloïdes en préparant des composés chimiques comme le chlorhydrate d'hydrastine, un sel facilement soluble.

Entre le milieu et la fin du 18e siècle, l'hydraste était principalement utilisé pour soigner les troubles digestifs, l'inflammation des muqueuses et les maladies de la peau, mais il a rapidement acquis la réputation de tonique général. 

Les propriétés astringentes (dues à l'hydrastine, comme nous le soulignerons plus bas) agissent sur les muqueuses internes et externes, ce qui explique pourquoi on utilisait cette plante pour soigner les affections de la bouche et des gencives, les atteintes oculaires, les plaies infectées et les dermatites. 

Ces propriétés étaient considérées comme les principales vertus de l'hydraste du Canada pendant tout le 19e et au début du 20e siècle.

La médecine moderne utilise les alcaloïdes de l'hydraste pour certaines indications approuvées. 

L'hydrastine et la berbérine sont deux principes particulièrement actifs du point de vue pharmacologique, agissant sur la circulation, les fonctions utérines et le système nerveux central. 

L'hydrastine provoque la constriction des vaisseaux sanguins périphériques, abaisse la pression sanguine et stimule les muscles involontaires.

La berbérine inhibe la synthèse de l'ADN et des protéines et l'oxydation du glucose. 

Elle est utilisée pour traiter divers troubles digestifs et cutanés. 

Dernièrement, on a découvert que la berbérine était active contre les protozoaires qui sont à l'origine de la maladie de Chagas, une affection qui représente un important problème de santé en Amérique centrale et du Sud. 

Les alcaloïdes de l'hydraste ont également certaines propriétés antitumorales.

Si l'usage de cette plante est largement répandu pour traiter la diarrhée du voyageur, les toxi-infections alimentaires, la giardiase et le choléra, c'est probablement en raison de ses diverses propriétés antibiotiques (elle est efficace contre un certain nombre de protozoaires, de champignons et de bactéries).

L'hydraste est utilisé dans diverses formulations commerciales pour soigner la congestion nasale, les aphtes buccaux, les infections oculaires, la teigne, les hémorroïdes, l'acné et comme antiseptique topique. Il a la réputation de stimuler le système immunitaire. 

Comme nous l'indiquons plus bas, l'auto-médication avec des préparations à base d'hydraste est déconseillée.

Néanmoins, on trouve maintenant cette plante dans des centaines de formulations commerciales vendues par les grandes chaînes de pharmacies, les grands magasins, les dépanneurs, les magasins d'aliments naturels et les maisons de vente par correspondance. 

Il est particulièrement recherché par les personnes qui souffrent de certaines maladies chroniques, en particulier celles qui sont atteintes du sida.

Toxicité

L'usage de l'hydraste du Canada en médecine moderne est limité en raison de sa toxicité. 

Dans certains cas, il faudrait administrer des doses dangereuses pour bénéficier des effets thérapeutiques de la plante. Même l'usage externe peut causer des ulcérations.

Prise en quantité excessive par voie orale, l'hydraste du Canada peut provoquer des convulsions semblables à elles qui sont induites par la strychnine et peut entraîner la paralysie, une insuffisance respiratoire et la mort. 

L'ingestion directe de la matière végétale peut provoquer une ulcération et une inflammation des muqueuses de la bouche.

Étant donné que l'hydraste peut provoquer l'avortement spontané, son usage pendant la grossesse est formellement contre-indiqué. 

Les personnes qui souffrent de problèmes cardiaques doivent éviter l'hydraste, car il peut élever la pression sanguine.

Il s'agit d'un bon exemple de médicament qui peut devenir un poison. Ses principes actifs sont puissants et présentent des risques non négligeables, c'est pourquoi l'hydraste doit être pris sous la supervision d'un professionnel expérimenté.

L'hydraste du Canada figure dans le document de 1995 de Santé Canada parmi les plantes qui sont jugées inacceptables comme ingrédients de médicaments en vente libre pour usage humain

Composition chimique 

Hydrastis canadensis
(Hydraste du Canada)


Le rhizome de l'hydraste est l'une des sources d'hydrastine (1,5 à 4 %), de berbérine (0,5 à 6 %) et de berbérastine (2 à 3 %), alcaloïdes médicinaux, et il contient des quantités plus faibles de canadine et de certains alcaloïdes mineurs.
Usages non médicinaux

Les Amérindiens de l'est du continent utilisaient l'hydraste pour teindre les tissus et se colorer la peau. 

Utilisé seul, le jus de la plante permettait d'obtenir une teinte jaune; mêlé à l'indigo, il donnait une coloration verte. 

Les Amérindiens mélangeaient également l'hydraste à la graisse d'ours, pour obtenir une pommade insectifuge.

Culture et potentiel commercial

La grande utilisation qui était autrefois faite de l'hydraste pour la fabrication de médicaments brevetés connaît aujourd'hui une sorte de renaissance, avec la popularité croissante des aliments naturels. 

L'hydraste est même devenu une des herbes les plus vendues en Amérique du Nord. 

En ce moment, il existe sur le marché canadien une quarantaine de médicaments vendus sans ordonnance qui renferment de l'hydraste ou une de ses matières actives, sous forme d'élixirs, de comprimés, de capsules et de suppositoires.

L'hydraste entre également dans la composition de certaines tisanes. 

Lorsqu'une fausse rumeur a fait croire qu'on pouvait utiliser une infusion d'hydraste pour rendre impossible la détection de la morphine dans les échantillons d'urine, la plante a également eu du succès, pour des raisons semblables, auprès des usagers de marijuana et de cocaïne. 

Elle a même été utilisée dans l'espoir de camoufler le dopage des chevaux de course.

Tout comme dans le cas du ginseng et du podophylle pelté, une bonne partie de l'approvisionnement en hydraste venait autrefois des régions montagneuses du Kentucky et de la Virginie, dont l'économie était en grande partie fondée sur les forêts vierges des versants escarpés et des vallées profondes.

Vers la fin des années 1850, le produit valait 2,20 $ le kilo, mais les prix ont chuté à mesure que le marché a été mieux approvisionné. 

Vers la fin des années 1800, il se récoltait 63 500 à 68 000 kg d'hydraste par année, dont la plus grande partie était utilisée en Amérique du Nord; seulement 680 kg étaient exportés vers l'Europe. 

Il faut environ 550 rhizomes d'hydraste pour obtenir un kilo de produit séché. Comme la plante était principalement récoltée dans la vallée de l'Ohio, Cincinnati est devenue le principal centre d'approvisionnement.

La plus grande partie de l'approvisionnement actuel est toujours assuré par la cueillette de plantes sauvages, mais la culture de l'hydraste est aujourd'hui très répandue. 

Comme la demande croissante risque de faire disparaître l'espèce dans certaines régions, il est possible que cette culture en vienne à approvisionner le marché. 

L'espèce est déjà cultivée en Arkansas, au Michigan, en Caroline du Nord, en Oregon, au Tennessee, au Washington et au Wisconsin, et la production annuelle est de plusieurs tonnes.

De plus, certains producteurs de ginseng trouvent avantageux de cultiver un peu d'hydraste, puisque la similitude des exigences écologiques des deux plantes permet l'emploi des mêmes machines. 

En fait, l'hydraste est sans doute un peu plus facile à cultiver que le ginseng, parce qu'il tolère une lumière un peu plus intense et est moins sensible aux maladies et aux ravageurs. 

Par ailleurs, justement à cause des maladies, il est difficile ou même impossible de cultiver le ginseng plusieurs fois de suite dans la même parcelle boisée; l'hydraste pourrait donc constituer une bonne culture en rotation avec le ginseng.

Enfin, étant donné la popularité croissante des produits à base d'hydraste, cette plante présente un potentiel pour la diversification des cultures dans le sud de l'Ontario.

Mythes, légendes et anecdotes

Aux États-Unis, durant la période qui a suivi la guerre de Sécession, l'hydraste entrait dans la composition de nombreux médicaments brevetés, dont la « Découverte médicale en or du Dr Pierce ». 

Contrairement au ginseng, cueilli uniquement pour l'exportation, l'hydraste était utilisé aux États-Unis et a fini par acquérir une réputation semblable à celle du ginseng comme panacée et tonique de longévité. 

C'est pourquoi l'hydraste a déjà été surnommé « ginseng du pauvre ».
On estime que plus de 95 % de la biomasse aérienne de l'hydraste est produite au cours du premier mois de croissance annuelle.

En 1997, le Fonds mondial de la nature a inscrit l'hydraste du Canada sur la liste des « 10 espèces les plus recherchées » à l'échelle mondiale. Il s'agit de dix espèces, parmi les plus menacées, qui font l'objet d'une grande demande sur le marché international.

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