Le point sur... La consigne des bouteilles (1e partie)
Histoire d’une disparition programmée
Le 12 février 2010,
La bouteille en verre consignée pour réutilisation n’a pas disparu du jour au lendemain, mais en l’espace de 30 ans, le changement, radical, s’est traduit par une croissance folle de la production de déchets d’emballages. « J’étais tout jeune maire dans les années 89-90 et nous nous sommes aperçus assez vite - nous les collectivités locales - que la nature de nos déchets changeait et que le volume des emballages augmentait en pourcentage du volume total : 50 % des déchets étaient constitués par les emballages. Nous avons également noté la forte montée des plastiques. Les industriels, sans nous en informer ni nous demander notre avis, passaient du jour au lendemain du verre consigné au verre perdu ou, pire encore au PVC à l ‘époque ou au PET. Donc, sans informer les communes et sans leur accord, on leur a transféré de façon unilatérale la charge du traitement de tonnages nouveaux venant des industriels » témoigne le Président de l’Association des Maires de France lors d’une rencontre-débat en 2005 [2].
Il va sans dire que ces trois possibilités ne représentent toutefois pas la même implication financière pour celui qui emballe ses produits : alors que la prise en charge des coûts liés aux déchets d’emballages est intégrale pour la consigne et le système individuel de reprise, elle n’est que partielle pour ce qui est de l’adhésion à un organisme collectif. A ce sujet, le rapport interministériel d’audit d’Eco-Emballages d’avril 2009 précise d’ailleurs qu’en « 1992, cette option (consigne ou système individuel de reprise, ndlr) a été inscrite dans le décret parce que l’on considérait (à juste titre) illégal d’imposer l’adhésion à un organisme collectif et donc nécessaire d’offrir une autre solution, tout en pensant que celle-ci ne serait pas utilisée, ce qui s’est avéré exact dans la pratique » [3].
La consigne s’attire-t-elle les critiques de la majorité des industriels car elle offrirait, comme le prétend en 2008 Eco-Emballages, un « (...) bilan environnemental généralement non favorable » [5] ou parce qu’elle fait obstacle au commerce sans contraintes ? Rappelons que la première directive européenne propre aux emballages et aux déchets d’emballages ménagers et non ménagers a été adoptée fin 1994, alors que le système français des éco-organismes était déjà en place.
« La démarche qui a présidé à la création de l’Adelphe, en 1992, était à la fois positive (la récupération du verre est relativement facile à organiser, le recyclage est économiquement intéressant parce qu’il engendre des économies d’énergie, la création d’une filière spécifique répond à un besoin économique et social) et préventive, pour ne pas dire défensive. L’enjeu, pour les industriels, était d’éviter une directive européenne s’inspirant du modèle allemand fondé essentiellement sur la consigne.
Ce choix allemand n’était d’ailleurs pas inspiré par des considérations uniquement techniques ni écologiques, mais était un moyen détourné, mais efficace, d’éviter la concurrence des eaux étrangères (en l’espèce les eaux italiennes et surtout françaises) » [6] nous apprend au passage le rapport des élus.
Pour le Cniid, ce ne sont donc pas des considérations environnementales mais avant tout de nature commerciale qui ont conduit à la disparition de la consigne pour réutilisation au profit des emballages à usage unique.
Rien ne permet de justifier aujourd’hui l’opposition à la consigne pour réutilisation. Et une étude de faisabilité permettant de définir les conditions de mise en œuvre de la consigne des bouteilles pour réutilisation en France serait la seule suite cohérente des travaux conduits depuis 2008 [7].
Les uns la regrettent, les autres la redoutent, une chose est sûre : la consigne agite les esprits. Si la bouteille consignée continue à exister dans certains endroits, à l’image de la « 75 cl Alsace » et dans les circuits de restauration et d’hôtellerie, dans l’ensemble, elle se fait rare de nos jours. Pourquoi et quand a-t-elle cédé sa place à ses équivalents jetables ?
L’apparition du jetable
Les années 1960 sont marquées par l’automatisation de la production industrielle. De nouveaux produits inondent le marché, le concept du jetable fait son entrée et la société de consommation s’installe progressivement. L’emballage à usage unique devient un argument de vente. Ainsi, en 1963, un fabricant d’huile en bouteille vante les avantages de la bouteille non consignée : « C’est plus sûr : non consignée, la bouteille ne sert que pour vous, elle ne sert qu‘une fois ; vide, on la jette, elle ne revient pas » [1].
Le modèle "éco-organismes" l’emporte sur celui de la consigne
En effet, ce n’est qu’en 1992 que les conditionneurs, importateurs ou distributeurs seront obligés par décret de pourvoir ou de contribuer à l’élimination des déchets d’emballages ménagers. En théorie, la règlementation française leur offre trois possibilités pour répondre à cette obligation : la consigne, la mise en place d’un système individuel de reprise (par des dispositifs spéciaux de dépôt) ou l’adhésion à un organisme collectif agréé par les pouvoirs publics, qui sera plus tard connu sous le « joli » nom d’éco-organisme.Il va sans dire que ces trois possibilités ne représentent toutefois pas la même implication financière pour celui qui emballe ses produits : alors que la prise en charge des coûts liés aux déchets d’emballages est intégrale pour la consigne et le système individuel de reprise, elle n’est que partielle pour ce qui est de l’adhésion à un organisme collectif. A ce sujet, le rapport interministériel d’audit d’Eco-Emballages d’avril 2009 précise d’ailleurs qu’en « 1992, cette option (consigne ou système individuel de reprise, ndlr) a été inscrite dans le décret parce que l’on considérait (à juste titre) illégal d’imposer l’adhésion à un organisme collectif et donc nécessaire d’offrir une autre solution, tout en pensant que celle-ci ne serait pas utilisée, ce qui s’est avéré exact dans la pratique » [3].
La consigne devenue menace ou obstacle pour les industriels
Si, en 1963, la bouteille consignée pouvait être considérée comme ringarde, elle est devenue - pour les industriels - une menace au début des années 1990, à l’ère du développement de la collecte sélective et de l’incinération. Dans un rapport paru en 1999, deux élus nationaux précisent que « Adelphe (société créée en 1993 à l’initiative des opérateurs du secteur des vins et spiritueux, ndlr.) a été créée en réponse à une inquiétude face au modèle allemand de récupération par consigne. La consigne des bouteilles de vin par exemple aurait été ingérable à traiter en France et il était impératif d’éviter à tout prix un tel système. La réponse a donc été Adelphe et un système souple identique à celui d’Éco-Emballages. L’objectif a été atteint. La menace de la consigne paraît définitivement exclue » [4].La consigne s’attire-t-elle les critiques de la majorité des industriels car elle offrirait, comme le prétend en 2008 Eco-Emballages, un « (...) bilan environnemental généralement non favorable » [5] ou parce qu’elle fait obstacle au commerce sans contraintes ? Rappelons que la première directive européenne propre aux emballages et aux déchets d’emballages ménagers et non ménagers a été adoptée fin 1994, alors que le système français des éco-organismes était déjà en place.
« La démarche qui a présidé à la création de l’Adelphe, en 1992, était à la fois positive (la récupération du verre est relativement facile à organiser, le recyclage est économiquement intéressant parce qu’il engendre des économies d’énergie, la création d’une filière spécifique répond à un besoin économique et social) et préventive, pour ne pas dire défensive. L’enjeu, pour les industriels, était d’éviter une directive européenne s’inspirant du modèle allemand fondé essentiellement sur la consigne.
Ce choix allemand n’était d’ailleurs pas inspiré par des considérations uniquement techniques ni écologiques, mais était un moyen détourné, mais efficace, d’éviter la concurrence des eaux étrangères (en l’espèce les eaux italiennes et surtout françaises) » [6] nous apprend au passage le rapport des élus.
Pour le Cniid, ce ne sont donc pas des considérations environnementales mais avant tout de nature commerciale qui ont conduit à la disparition de la consigne pour réutilisation au profit des emballages à usage unique.
Rien ne permet de justifier aujourd’hui l’opposition à la consigne pour réutilisation. Et une étude de faisabilité permettant de définir les conditions de mise en œuvre de la consigne des bouteilles pour réutilisation en France serait la seule suite cohérente des travaux conduits depuis 2008 [7].
Le point sur... La consigne des bouteilles (2e partie)
La consigne des emballages de boisson sous toutes ses formes
Le 12 mars 2010,
Comment se fait-il que la prévention et la prise en charge des déchets varie autant d’un pays à l’autre au sein de l’Union européenne ? Les 27 États membres présentent une grande diversité de systèmes de gestion des déchets et les déchets d’emballages ne font pas exception en la matière. Comment cela est-il possible alors que ces emballages et déchets d’emballages sont soumis à une même législation européenne ?
Une directive européenne est un texte qui fixe des objectifs aux États membres, lesquels intègrent les dispositions relatives dans le droit interne. Si la directive lie les pays membres quant aux résultats à atteindre, elle leur laisse la compétence pour ce qui est de la forme et des moyens déployés. Et c’est ainsi que l’on dispose de différents systèmes de gestion des emballages et des déchets d’emballages à l’échelle communautaire avec des points communs et des particularités, comme la consignation des emballages pour boissons.
D’un point de vue réglementaire et pratique, les États recourent certes à des systèmes plus ou moins différents (pour plus de détails voir ci-dessous les fiches de six pays publiées par l’Ademe en 2009), mais la motivation des décideurs reste la même : prévenir et mieux gérer les déchets d’emballages.
Cela représente autant d’ordures ménagères en moins car, sauf si l’utilisateur l’évacue par erreur avec sa poubelle à la maison, la bouteille consignée pour réutilisation n’entrera aucunement en contact avec les déchets gérés par la collectivité. C’est en effet au niveau du point de vente ou du conditionneur que se fait le tri entre les bouteilles encore en forme et les bouteilles hors usage qui intègreront par la suite la filière des déchets industriels.
Enfin, ne nous trompons pas, il faut se donner les moyens pour qu’un système de consigne des emballages de boissons fonctionne : l’adhésion à la démarche des acteurs concernés (conditionneurs, distributeurs, consommateurs, pouvoirs publics notamment), clarté et fonctionnalité du dispositif pour les utilisateurs, amélioration constante des faiblesses inhérentes à tout système.
Au-delà des fiches explicatives ci-dessous, vous trouverez dès le mois prochain la suite et fin de cette série sous la forme d’une interview de responsables de deux ONG, allemande et wallonne, analysant les atouts et faiblesses de leurs systèmes de consigne respectifs.
Une directive européenne est un texte qui fixe des objectifs aux États membres, lesquels intègrent les dispositions relatives dans le droit interne. Si la directive lie les pays membres quant aux résultats à atteindre, elle leur laisse la compétence pour ce qui est de la forme et des moyens déployés. Et c’est ainsi que l’on dispose de différents systèmes de gestion des emballages et des déchets d’emballages à l’échelle communautaire avec des points communs et des particularités, comme la consignation des emballages pour boissons.
D’un point de vue réglementaire et pratique, les États recourent certes à des systèmes plus ou moins différents (pour plus de détails voir ci-dessous les fiches de six pays publiées par l’Ademe en 2009), mais la motivation des décideurs reste la même : prévenir et mieux gérer les déchets d’emballages.
Lorsqu’une bouteille en remplace 50
La consigne pour réutilisation permet de réemployer un même emballage plusieurs fois avant qu’il ne devienne un déchet à traiter. Ce type de consigne, pouvant s’appliquer aussi bien aux contenants en verre qu’en plastique, s’intègre dans une démarche de réduction des déchets ménagers. D’après des expériences de terrain, la bouteille en verre se reconditionne jusqu’à 50 fois et la bouteille en plastique PET ne sera mise au tri qu’au bout de 25 usages.Cela représente autant d’ordures ménagères en moins car, sauf si l’utilisateur l’évacue par erreur avec sa poubelle à la maison, la bouteille consignée pour réutilisation n’entrera aucunement en contact avec les déchets gérés par la collectivité. C’est en effet au niveau du point de vente ou du conditionneur que se fait le tri entre les bouteilles encore en forme et les bouteilles hors usage qui intègreront par la suite la filière des déchets industriels.
Le recyclage ne passe pas que par la poubelle du tri
À l’inverse, la consigne pour recyclage s’applique aux emballages de boissons à usage unique, autrement dit jetables (les canettes et les bouteilles notamment). Si ce dispositif ne relève en rien d’une démarche de réduction des déchets, il peut toutefois entraîner des améliorations intéressantes : augmentation des taux de collecte sélective, limitation des dépôts sauvages et incitation financière pour le consommateur à opter pour des emballages réutilisables ou à moindre impact sur l’environnement [1].La France à la traîne
En France, la consigne pour réutilisation continue à exister dans des circuits courts (coopératives, vente à la ferme…) et, de temps à autre, pour des produits locaux et régionaux. Récemment, elle a par ailleurs fait son apparition dans le cadre du Grenelle II : un amendement visant à rendre obligatoire la consignation des bouteilles de bières, d’eaux minérales et de boissons rafraîchissantes sans alcool d’ici 2015 dans l’hôtellerie et la restauration a été déposé par plusieurs députés.Enfin, ne nous trompons pas, il faut se donner les moyens pour qu’un système de consigne des emballages de boissons fonctionne : l’adhésion à la démarche des acteurs concernés (conditionneurs, distributeurs, consommateurs, pouvoirs publics notamment), clarté et fonctionnalité du dispositif pour les utilisateurs, amélioration constante des faiblesses inhérentes à tout système.
Au-delà des fiches explicatives ci-dessous, vous trouverez dès le mois prochain la suite et fin de cette série sous la forme d’une interview de responsables de deux ONG, allemande et wallonne, analysant les atouts et faiblesses de leurs systèmes de consigne respectifs.
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